Décrire le son du saxophone, chez Syos, on commence à avoir l’habitude, mais s’agit-il vraiment de la même chose pour sa cousine la clarinette ? Afin d’en avoir le coeur net, nous avons fait appel à différentes méthodes de la psychoacoustique.
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La recherche d'un vocabulaire de description
Avant toute chose, mettons nous d'accord sur les termes que nous employons pour décrire ce que l'on ressent. Pour cela, nous utilisons des mots aussi appelé descripteurs.
Par la suite, l’évaluation du produit selon les différents descripteurs permet de déterminer son profil sensoriel. Il s’agit en réalité de la carte d’identité du produit, très utilisée notamment dans le domaine alimentaire.
La bonne définition des descripteurs est alors essentielle puisqu’elle permettra :
- d’une part, la communication et la bonne compréhension entre les musiciens sur la base d’un vocabulaire commun
- et la définition complète d’un produit selon ces mêmes descripteurs d’autre part.
En pratique, comment a-t-on défini ce vocabulaire commun ?
Dans cette optique, le studio Syos a accueilli récemment de nombreux musiciens. Ils ont ainsi participé à différents tests :
La collecte de descripteurs
Le participant essaye des becs aux géométries différentes ; il est invité à s'exprimer sur ses impressions et émet ainsi des descripteurs. C'est la méthode de la verbalisation libre.
Ainsi une quarantaine de clarinettistes sont venus essayer des becs dans notre studio et ont formulés en tout plus de 900 adjectifs en français et en anglais !
Après traitement, on parvient à une liste d’une quinzaine d’adjectifs couramment utilisés. En tête de liste, on obtient notamment :
- le descripteur Brillance : allant de mat à brillant, chacun des termes étant utilisés par 30% des musiciens de notre échantillon
- le descripteur Puissance : allant de doux à puissant, chacun des termes étant utilisés par plus de 40% des musiciens de notre échantillon.
Le résultat est encore plus flagrant en anglais puisque c’est une utilisation par 44% des musiciens pour “bright” et “free-blowing” et par 48% pour “dark” et “resistant”.
Ce sont ces deux descripteurs, déjà utilisés au saxophone, que nous allons finalement conserver pour décrire le son de la clarinette.
La notation sur une échelle graduée
Afin d’illustrer les différents niveaux des échelles choisies, nous avons effectué une seconde expérience : nous avons sélectionné 11 extraits de 5 à 10 secondes d’enregistrements de clarinettistes connus du XXème siècle. Ils ont été présentés à l’occasion d’un sondage en ligne durant lesquels les participants n’avaient pas connaissance du nom des artistes. Ils étaient invités à noter chaque extrait sur deux échelles : celle de la brillance et celle de la puissance.
Pas moins de 300 participants ont répondu à ce quizz et ont noté les différents extraits en puissance et en brillance. Parmi ce panel de participants on retrouve 80% de saxophonistes et 72% de clarinettistes. La moitié des participants sont à la fois clarinettistes et saxophonistes.
Le résultat des moyennes des notations attribuées à chaque extrait pour ces deux descripteurs apparaît dans les graphiques suivants :
Nous y retrouvons les artistes classés du plus mat (prix décerné à Jimmy Giuffre pour son extrait de Pickin'em up and layin'em down) au plus brillant (meilleure note attribuée à Giora Feidman pour son extrait de The Klezmer's Freilach). Ces deux artistes se retrouvent également aux extrêmes pour la notation de la puissance.
C’est également l’occasion ici de vérifier la pertinence des deux échelles : En effet, les participants étaient invités à juger la qualité des descripteurs à la fin du questionnaire. Finalement, 90% des participants ont jugé que les échelles de notation en brillance et en puissance étaient adaptées et suffisantes à la caractérisation du timbre de la clarinette.
Enfin, l’analyse des notes attribuées met en avant une tendance commune aux deux échelles : lorsque la note de brillance est élevée, la note de puissance semble l’être également, et inversement ! Ce phénomène statistique est appelé la corrélation.
Représentons les différents extraits du questionnaire en fonction de leur notation en brillance et en puissance :
Chaque extrait se situe effectivement autour d’une zone située sur la diagonale du graphique. La brillance et la puissance évoluent proportionnellement : on parle de corrélation linéaire.
Attention, la corrélation entre deux variables ne suffit pas à affirmer le lien de causalité. Ici, il est possible qu’il existe une relation entre ces deux paramètres … ou alors tout simplement l’échantillon d’extraits ne contient que des exemples situés dans cette zone.
Si vous pensez à des artistes qui vous semblent en dehors de cette zone particulière n’hésitez pas à nous les suggérer en commentaires ! Par exemple un artiste au son très puissant et très mat ou, au contraire, très brillant et très doux.
Des différences de perception entre les musiciens
Revenons sur les graphiques des notations moyennes : les barres verticales grises représentent l’écart type.
L'écart-type traduit le consensus autour d’une réponse. Pour une barre verticale étendue, l’écart-type est important et les réponses des participants sont dispersées autour de la valeur moyenne. A l’opposée, lorsque l’écart-type est petit, les réponses sont concentrées autour de la valeur moyenne.
Par exemple, les deux graphiques ci-dessous comparent les distributions des réponses en brillance attribuées à Jimmy Giuffre, l’extrait ayant le plus petit écart-type, et celles attribuées à Yom, représentant le plus grand écart type de notre échantillon.
Globalement, même si vous avez été nombreux à soulever la difficulté du test et l’incertitude sur les notations dans certains cas, l’écart-type est acceptable sur chaque notation ce qui traduit un bon consensus dans les réponses.
Avec ces notations en brillance et en puissance, on arrive donc bel et bien à caractériser les extraits les uns par rapport aux autres. Ces enregistrements viennent alimenter notre vocabulaire de description du timbre de la clarinette, nous permettant de l’illustrer à l’aide d’exemples concrets et consensuels. D’autre part, d’autres adjectifs ont été proposés par les participants au questionnaire : chaud, feutré, clair, détimbré, riche, … sont autant de descripteurs qui viennent enrichir la description du son et préciser la communication entre les musiciens !
Lors du choix des paramètres de brillance et de puissance pour votre bec sur mesure, certains de ces extraits seront désormais à votre disposition et vous aideront à décrire votre son idéal !